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[ALGER] Les corsaires de la mer Méditerranée réprimez par les armes victorieuses de Sa Majesté commandées par le Maréchal d'Estrées Lieutenant général des armées navales de France devant la ville d'Alger le mois de juillet 1688.
[Paris], Jollain, [1688]. 377 x 525 mm.
Très rare représentation du bombardement de la ville d'Alger, survenu le 1er juillet 1688, gravée et publiée par Gérard Jollain en 1688. Le bombardement du 1er juillet 1688 eut lieu lors de la troisième expédition militaire ordonnée par Louis XIV contre les Barbaresques de la Régence d'Alger, afin de faire respecter le traité de paix franco-algérien dit Traité de Tourville, conclu le 23 avril 1684 entre le royaume de France et le royaume d'Alger. Le précédent bombardement de 1683 avait réduit en cendres presque toute la ville, et avait forcé les pirates d'Alger à demander une paix qui leur fut accordée, mais le traité ne fut pas respecté par les pirates algériens. Commandée par le Maréchal d'Estrées, l'escadre, comprenant 31 navires et 10 galiotes de bombes, se présenta devant Alger le 26 juin. Elle réussit à infliger des dégâts considérables à la ville, mais les défenses d'artillerie avaient été renforcées depuis les précédentes expéditions de 1682 et 1683. Ainsi la flotte française perdit quelques navires dans les opérations de bombardement et dut se replier au bout de 16 jours. Politiquement, le dey d'Alger Mezzomorto Hussein Pacha, corsaire musulman d'origine espagnole, fut mis à mal par les conséquences de l'expédition, et finit par abandonner le pouvoir et prendre la fuite face au mécontentement général dans la régence d'Alger. Son successeur Hadj Chabane nomma un ambassadeur à Versailles, Mohamed el Amin, pour négocier une paix durable qui fut conclue dès 1690. La vue, prise depuis la mer, illustre la rude bataille navale entre les vaisseaux français et turcs, avec au premier plan, celui du maréchal d'Estrées se préparant à l'abordage du navire de l'amiral des Turcs ; sur la droite, un vaisseau turc est en train de couler ; un autre grand vaisseau turc est attaqué de toutes parts par des galères de France. Au niveau de la ville, les bâtiments les plus importants sont nommés : le Fort de Baba Ramadan ou Fort Bab Azoun, construit entre 1581 et 1584, le lieu où se rend la justice, le marabout (tombeau de saint musulman), les mosquées dont la grande mosquée brûlée (bombardement de 1682), le château, le Fort de la Marine, le Fort et la Tour de Babalouet ou Bab El Oued, le port, la digue du Môle, et la Piscaderie, lieu où l'on bâtit les vaisseaux. Au bas de l'estampe figurent les vers suivants : Que les Turcs inhumains, corsaires et infidels, esprouvent bien icy le bras de Louis le Grand et qu'en vain sur la mer cette troupe de rebels aux Lys de la France s'oppose le Croissant. Sur les soldats chrestiens leur fureur est extrême, afin qu'espouvantez, ils soient mis hors de rang ; mais en les voulant perdre, ils se perdent eux mesme, et les flots irrités rougissent de leur sang. Battus de tous costez, malgré leur résistance, à grands coups de canon, ils sont coulez à fond. Rien ne peut les sauver, et pour toute assistance, Neptune les reçoit dans son goufre profond. Ainsi d'un grand Bourbon illustre est la Victoire, contre des ennemis pleins de témérité ; et son nom immortel célèbre dans l'Histoire, se doit faire admirer à la Postérirté. La vue est décorée de trois cartouches contenant le titre, une description de la ville d'Alger, et une carte de la Méditerranée, montrant les côtes de la France et de l'Algérie. Très rare, nous n'avons trouvé aucun exemplaire dans les collections publiques. Cette vue a également illustré le bombardement de 1682 dirigé par Duquesne ; on la retrouve sur une planche d'almanach pour l'année 1683. Ceci explique que les mots "lieutenant général" dans le titre de notre édition soient légèrement effacés, lorsque le cuivre a été modifié. Très bon exemplaire finement aquarellé à l'époque. Marge gauche partiellement coupée.